Droits de l’Homme au Cameroun : Le pays vogue-t-il vers un recul dans le classement de RSF ?

Les multiples abus et atteintes aux droits de l’homme au Cameroun en 2018 font perdre la face au pays dirigé par  Paul Biya, au pouvoir depuis novembre 1982.

 

A5 NEWS Au Cameroun, les  hommes de media, les acteurs de la société civile sans oublier les militants des partis de l’opposition subissent chaque jour des abus, représailles et des intimidations de la part d’un régime  de Yaoundé. Certains d’entre eux font l’objet de plusieurs arrestations intervenant sous des motifs divers, souvent illégaux et arbitraires.

Même en gagnant une place selon l’organisation Reporters sans frontières (RSF) son classement 2018 sur la liberté de la presse dans le monde, qui positionne le pays au 129ème rang sur un total de 180 pays,  les cas des persécutions sont légions.

Chose curieuse. Les inquiétudes  des acteurs de défense des droits et l’homme et des libertés et de certains observateurs de la scène politiques nationales,  laisse penser que  le pays pourra perdre plusieurs places lors des classements à venir de RSF. Car, ces abus et atteintes  aux libertés et droits l’homme.

Traque contre la presse

La section de Douala de l’Association des journalistes d’expression anglaise (CAMSEJ) en condamnait, dans un communiqué qui date du 30 janvier 2019 et signé de Charles Moki Linongue, président sa section CAMASEJ de Douala, la mise aux arrêts de Théodore Tchopa et David Eyengue, 02 journalistes du journal Le Jour, un quotidien  aux parutions moins tendres pour le régime de Yaoundé. Ces hommes de média ont été arrêtés lors de l’interpellation le 28 janvier de Maurice Kamto, président national du Mouvement de la Renaissance camerounaise (MRC) et de certains de ses proches collaborateurs.

Marxel Fonkwen de The Post,  a interpelé par les éléments de la Police le 07 aout 2018 à Kumba. Michael Doppas de Soleil Fm, a été interpellé le 28 novembre 2018 pour diffamation par le footballeur Samuel Eto’o Fils a été jeté Prison Centrale de Yaoundé.

Mimi Meffo, ancienne employée de Equinoxe TV a été interpellée le 07 octobre 2018 à Douala et jetée Prison Centrale de New- Bell. Mathias Mouende du quotidien Le Jour,  a été,  le 28 octobre 2018, libéré après été entendu et passé une journée entière passée dans les locaux de la Police Judiciaire de Douala.

Josiane Kouagheu de Reuters interpellée à Douala le 21 octobre 2018 les éléments de la Direction de la Surveillance du Territoire (DST) du Littoral.

Kiven Brenda, de Radio Hot Cocoa a été arrêtée à Bamenda le 08  février 2017 par la police Judiciaire a débarqué dans son domicile et fouillé de fond en comble la maison sans un document de perquisition emportant son  laptop.

Athia Azohnwi de Sun Newspaper, arrêté pour la 3ème fois en l’espace de deux semaines par la police le 09 février 2017 à Buea. Amos Fongung de Guardian Post, arrêté par la police le 09 février 2017 à Buea et incarcéré à la Prison centrale de Yaoundé où il a été libéré 24 octobre 2018.

Sous le silence curieux des autorités, le Journaliste Nestor Nga Etoga, Directeur de Le Renard, directeur des rédactions du site Lescoopsdafrique.com , est victime d’un harcèlement judiciaire, depuis le 24 novembre 2016, par la société d’exploitation forestière FIPCAM, qui  tente de préserver sa réputation à la suite à des articles du journaliste ayant relaté, preuves à l’appui, des faits d’infractions forestières, de corruption et de violations des droits de ses employés.

 

Opposants ….

La  chasse aux hommes de media n’est pas la seule pratique la mieux partagée par le régime qualifié d’autoritaire de Yaoundé.  Les acteurs de la société civile et membres de l’opposition ne sont pas l’abri  des «  détentions arbitraires » qu’évoque Country Reports on Human Rights Practices for 2018, et  des persécutions au Cameroun. Un pays où les tribunaux militaires ont parfois compétence sur des civils dans certaines situations, où les manifestations publiques pro-Biya sont la bienvenue  au détriment de celles teintées de contestations et revendications plus ou moins légitimes.

L’Ong camerounaise Nouveaux Droits de l’Homme (NDH) que dirige Hilaire Kamga,  illustrait  quelques-unes de ces dérives autoritaires dans une déclaration rendue publique le 21 février 2019 en évoquant les marches du 26 janvier 2019 initiées par le MRC dont le leader Maurice Kamto est parfois présenté comme un « leader communautaire » ou « leader ethno-fascite ».

Une attitude de la police camerounaise et les manifestants , le 26 janvier 2019

« Le 26 janvier 2019, le Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC) avait bravé l’interdiction des autorités administratives, pour manifester à Douala et dans plusieurs autres villes du Cameroun. Ces manifestations publiques appelées « marches blanches et pacifiques », avaient pour but ; selon cette formation politique, de contester entre autre, les résultats de l’élection présidentielle du 07 octobre 2018 et de revendiquer le retour à la paix sociale dans les régions anglophones. » Indiquait le communiqué de NDH, ONG avec Statut Consultatif auprès de l’ONU, avant de poursuivre : « Dès le début de la journée de ce 26 janvier, les forces de sécurité se sont très vite déployées pour réprimer la marche et menacer ceux et celles qui braveraient l’interdiction. Ceci c’est fait à l’aide d’une part, du déploiement d’un fort dispositif de dissuasion (camion à jet d’eau, véhicule de terrain, déploiement des fortes équipes de gendarmerie et anti-émeute de la police dans les carrefours des villes de Yaoundé, Douala, Banganté,…). Cette opération de police qualifiée d’opération de maintien de l’ordre, s’est soldée par l’arrestation et la détention de près de 117 personnes dont 62 à Yaoundé, 42 à Bafoussam et 13 à Mbouda… Deux jours après cette triste journée du 26, plus précisément le 28 janvier 2019, le Pr. Maurice Kamto (président du MRC) et 80 autres personnes ont été arrêtés dans le domicile de M. Albert Ndzongang (partenaire politique du MRC). »

Honorablement arrêtés et relaxés…

On se souvient qu’Honorables Nitcheu et son camarade Jusoa OSIH, tous deux député du parti de l’opposition SDF, voulaient organiser quelques mois avant une marche pour manifester contre le détournement des deniers publics dans le cadre des chantiers de préparation de la CAN 2019, retirée au Cameroun, avaient été arrêtés et détenus pendant plusieurs heures avant d’être relâchés.

La Société Civile muselée

Plusieurs organisations dont NDH, Un Monde Avenir, Dynamique Citoyenne… sont coutumiers des interdictions de réunions portant sur divers sujets des droits de l’Homme. Les autorités administratives brandissent toujours un principal motif : « menace de trouble à l’ordre public ». Un motif générique qui a été présenté à Kah Walla du mouvement Stand Up for Cameroon et d’autres membres des Organisations de la Société Civile, par le Préfet de la Mezam qui  avait signé un arrêté interdisant toutes manifestations publiques dans son département du 21 septembre au 3 octobre 2017.

Ibrahim Will Sapid, la chasse silencieuse

Dans cette dynamique répressive, le jeune Ibrahim Will Sapid, sympathisant et admirateur de Maurice Kamto,  est recherché par les éléments de la Police nationale, selon les membres de sa famille, depuis ces prises de position récurrentes contre le régime de Yaoundé sur les réseaux sociaux.

Ce fils de Ibrahim Kouotou Nji,  un ancien ponte du régime qui fut entre autres, Député à l’Assemblée Nationale du Cameroun, Secrétaire du groupe parlementaire Rdpc et membre titulaire du même parti, par ailleurs membre de la magistrature suprême, est inquiété pour «  appel pour insurrection », et accusé d’être  impliqué dans « une campagne de déstabilisation sur les réseaux sociaux ».

Et Yaoundé parle d’avancées

A côtés de ces succussions d’abus,  les autorités  camerounaises vantent les avancées démocratiques et des efforts du gouvernement. Dans le Rapport du Ministère de la Justice sur l’état des Droits de l’Homme au Cameroun en 2017, publié en octobre 2018, le Ministère de la Justice évoque « les efforts du Gouvernement dans la promotion des droits économiques, sociaux et culturels en dépit d’un environnement économique difficile »,  « la promotion et la protection des droits civils et politiques » qui ont « connu des évolutions variables ».

La pluralité des organes de presse et des partis politiques  est présentée comme une preuve des avancées démocratiques. Pourtant, l’organe de régulation et de consultation créée par décret n°2012/038 du 23 Janvier 2012 portant réorganisation du Conseil   National de la Communication “régule” dans l’illégalité.  Cet organe dont les décisions sont contestées, s’illustre aujourd’hui comme un organe de musèlement de la presse.

La CNDHL dénonce

Il faut le souligner. D’autres réalités démontrent l’engagement mitigé du gouvernement  à œuvrer à faire une terre exemplaire de respect des Libertés et droits  humains.  Dans son  Rapport 2018, la Commission Nationale des Droits de l’Homme et des Libertés, évoquaient  les obstacles auxquels elle est confrontée dans ses missions. A savoir, sa situation financière précaire. « Le contexte interne à la CNDHL, tel que présenté dans les discours d’ouverture des 23e et 24e sessions tenues au cours de l’année 2018 est resté marqué par la constance de la situation financière précaire de cette Institution. » Indique le rapport qui explique : « Elle se caractérise par une enveloppe budgétaire insuffisante et par un déblocage tardif de la dotation en question. Il en résulte que l’Institution éprouve de sérieuses difficultés à déployer ses activités … »

La  CNDHL, évoque « la problématique de l’accès de la CNDHL aux lieux de privation de liberté ». « L’entrave à l’exercice des descentes d’investigations dans les lieux de privation des libertés initiées par la CNDHL observée depuis quelques années, continue d’être décriée au cours de l’année 2018. »  D’une part, « la CNDHL a eu l’occasion de relever l’existence de certaines dispositions dans sa loi organique qui sont de nature à constituer une entrave à la réalisation de ses missions de monitoring des lieux de privation de liberté. Sont notamment concernées ici, les dispositions de l’article 2 qui ôtent au contrôle envisagé son caractère inopiné en ce sens que ces dispositions imposent la « présence du Procureur de la République compétent ou de son représentant ». Or, l’indisponibilité de ce dernier ou son refus de collaborer entravent le contrôle envisagé. »

D’autre part, cette Institution  a aussi « dénoncé, selon le rapport, le refus par certaines autorités de l’accès à certains lieux de privation de liberté, toute chose qui conforte ainsi l’idée répandue selon laquelle, ces lieux constitueraient des foyers de torture par excellence. Pour s’en convaincre, il suffit d’évoquer la réponse négative opposée par le Commissaire du Gouvernement près le Tribunal Militaire de Yaoundé, à l’invitation de visiter, les cellules du Secrétariat d’Etat à la Défense (SED), le 14 septembre 2017.»

 

 Source La Voix Des Décideurs. Tous droits réservés

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