Traité comme un Français de seconde zone, Michel Thierry Atangana aux abois : « Je suis un prisonnier dehors »

Invité sur France 24 le 23 mai 2021  après la parution le 15 avril 2021 de l’ouvrage «Otage judiciaire, 17 ans de prison pour rien » dont co-auteur avec Anna-Véronique EL BAZE, Michel Thierry Atangana plaide pour sa réhabilitation et accuse l’ancien patron du Quai d’Orsay, Laurent Fabius et manifeste sa reconnaissance au député de la République En Marche, Pierre-Alain Raphan, pour son soutien bientôt appuyé par 31 maires qui préparent une pétition.

 

 

…Alors petit retour en arrière. Je le disais, vous êtes né au Cameroun, vous avez grandi à Yaoundé avant de venir en France au début des années 80.  Donc, vous êtes originaire du Cameroun, vous êtes venu pour vous faire soigner et puis étudier.  Vous devenez Français et pas franco-camerounais. C’est important, vous faites ce choix d’être français. Je veux dire il n’y a pas de double nationalité franco-camerounaise. La Loi camerounaise ne le permet pas. En 93, vous êtes ingénieur dans des grands groupes, vous êtes ingénieur financier, vous partez au Cameroun pour participer à un  projet d’infrastructures de route dans le cadre  d’un projet de coopération public/privé et votre vie, elle va basculer quelques années après. Vous êtes arrêté en Mai 97 au matin en sortant de la messe, une arrestation par les forces spéciales. Plusieurs centaines d’hommes sur une scène qui se réalise comme vous le décrivez dans votre ouvrage. Et pendant longtemps, vous n’allez pas comprendre ce qui vous arrive …

Puisqu’il n’y a pas à mon avis de procédure judiciaire définie, et je vais être enfermé pendant 52 jours, en détention préventive. Ce qui est déjà en soi une terrible épreuve, et pendant longtemps oublié par la France, par les soutiens, ceux pour qui, je suis allé travailler. Tout le monde m’a oublié, abandonné dans cette situation.

…Et puis Michel Thierry Atangana les masques tombent. On  vous accuse de soutenir en fait d’accompagner un ancien  proche du président camerounais qui a déclaré ses intentions politiques, ses ambitions, on va vous accuser de plusieurs choses, de malversations, vous allez être condamné à 15 ans puis à 20 ans de prison par le jeu d’accusations … En fait, vous êtes arrêté en raison de l’ambition présidentielle de Titus Edzoa. Victime collatérale, dans votre livre vous dites avoir été détenu hors cadre judiciaire, vous dénoncez une situation d’otage judiciaire,  est ce qu’on peut parler plutôt d’otage politique ?

Ce que vous dites n’est pas ce que je dis simplement. C’est ce qu’ont dit les grandes ONG, Amnesty International, Freedom House, le Département d’Etat américain et surtout l’avis rendu par les Nations Unies. Qui ont défini que toute ma condamnation, toute mon incarcération sont de nature arbitraire, c’est-à-dire qui ne respecte pas la Loi du Cameroun. Donc ce que je dis, ce n’est pas ce que je dis, c’est ce qui a été dit par les observateurs, et aussi par la justice camerounaise,  qui a reconnu après enquêtes, demandées par le Cameroun, que cela était. Je suis victime et non pas coupable.

 

 

Ces enquêtes, elles  vont être transmises au Quai d’Orsay, elles vont être transmises aux ambassades, à ce moment-là vous vous dites quoi ? Vous vous dites  je suis Français, on va me sortir de-là, vous dites la France va intervenir ?

Qu’est-ce qu’un Français expatrié attend de son pays ? Un soutien ; je ne l’ai pas eu. Pas pendant un an, mais pendant 13 longues années, et maintenant, la preuve que ce soutien est important, quand Bruno GAIN vient et qu’il intervient, automatiquement la situation commence à s’éclaircir. Donc ça veut dire à quel point, si la France avait intervenu les premières années, je n’aurais pas connu ce que j’ai connu.

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Alors quatre ambassadeurs ont succédés au Cameroun pendant votre détention, vous considérez que vous avez été quoi victime de discrimination ? Considéré comme un français de seconde zone ? On ne s’est pas occupé de vous ?

 Tout ce que vous dites, ces mots me touchent parce que c’est la réalité. J’ai été abandonné par la France, ignoré, aujourd’hui cette situation perdure.

 

 

Alors elle perdure. On apprend dans ce livre  que quand même vous êtes libéré. C’est sous la Présidence Hollande que vous allez être libéré. C’est une libération, un petit peu violente pour vous. Vous n’y croyez pas. Vous pensez que votre dernière heure est venue. Vous êtes libéré et vous découvrez que là encore, ça va être compliqué. On vous demande de payer vous-même votre billet d’avion ?

C’est sur France 24 que le Président Hollande avait dit, je l’ai vu après : «Que cette situation n’est pas admissible ». Je paraphrase un peu ce qu’il avait dit. Donc il a été très actif. Mais les services diplomatiques, du Quai d’Orsay n’ont pas suivi complètement  la volonté  présidentielle. Puisque, là aujourd’hui arrivé à l’ambassade, ce que je dois vous dire,  il m’est demandé de payer mon billet d’avion pour rentrer. Et quand je vois la diplomatie active pour libérer d’autres Français, je dois reconnaitre qu’il y a eu là quand même un dysfonctionnement volontaire du  Quai d’Orsay qui ne voulait pas reconnaitre ma situation de victime et pas de coupable. J’étais victime d’une présomption de culpabilité  et donc d’innocence et qui continue aujourd’hui.

Donc 7 ans après que vous ayez été libéré, gracié,  vous n’êtes toujours pas innocenté, c’est que vous êtes en train de me dire ?

Je suis un prisonnier dehors, je n’ai pas de Droits. Mes comptes sont scellés. Je ne peux pas travailler. Ce que je demande, c’est de pouvoir avoir la liberté de pouvoir revivre, de travailler. Mes Droits de travailleur, retraite, toutes formes de Droits que la France reconnait ne sont pas reconnus. Pour l’instant, comment vivre concrètement après avoir passé l’équivalent de 25 années sans activité ? Ce que je demande ce n’est pas autre chose que cela, vous trouvez-t-il normal d’un citoyen libre qui n’a commis aucun crime ?

 

 

En 2014 au  Quai d’Orsay,  Laurent Fabius qui était Ministre des Affaires Étrangères, m’a refusé de mentionner dans cette attestation le caractère arbitraire de ma détention

 

Aujourd’hui, vos comptes sont toujours bloqués, vous êtes ingénieur financier mais vous avez un casier judiciaire puisque vous n’êtes  toujours pas innocenté…

…Casier judiciaire qui ne me permet pas de travailler. Et dans mon métier, il est interdit de travailler avec un casier judiciaire. J’ai demandé l’attestation au Tribunal. En 2014 au  Quai d’Orsay,  Laurent Fabius qui était Ministre des Affaires Etrangères, m’a refusé de mentionner dans cette attestation le caractère arbitraire de ma détention.

Vous demandez une réhabilitation intégrale de quoi s’agit-il ?

Le président Macron a demandé cette réhabilitation dans une lettre envoyée au Député Pierre-Alain Raphan. Ce que je demande c’est que cette déclaration du président de la République soit traduite  en acte.

 

 

Alors justement, si le combat continue, il y a deux dimensions, il y a ce combat le vôtre, et puis il y a un combat plus large pour les Français détenus à l’étranger, via cette composition du député de la République En Marche, Pierre-Alain Raphan, qui porte votre combat et puis également une Loi pour accompagner et indemniser les victimes comme vous de détention arbitraire ?

Créer un cadre légal pour accompagner les victimes, pour éviter que ce que j’ai connu ne se reproduise. Je devais le faire. Je devais contribuer à cela parce que ce qui m’est arrivé, protégerait les 1500 Français qui sont détenus à l’étranger sans causes connues, les deux millions et demi de Français ou trois millions et demi de Français, selon les statistiques, qui vivent à l’étranger et aussi les binationaux.

 

Le président Macron se dit sensible à votre combat. Le Premier ministre aussi, le ministre des affaires étrangères également, on a l’impression que ça commence à frémir tout de même ?

Oui.  Le député Pierre-Alain Raphan a fait un travail très important. Maintenant, ce que je voudrais c’est que dans l’actualité judiciaire qui est en France, qui est en cours auprès de la CIVI, la CIVI c’est la Commission d’Indemnisations des Infractions. Que ce qu’ont dit les trois autorités que vous avez citées tout à l’heure, que cela se traduise en actes. Ce n’est pas encore le cas. Puisque là l’audience du 10 Juin ne me parait pas être gagnée d’avance.

 

 

Vous en voulez à la France ?

Je ne travaille pas sous le sceau de la haine. J’ai tellement subi de haine et de discriminations, des violences que j’en suis venu à penser que fondamentalement, la haine n’apporte rien. D’ailleurs,  si j’étais dans la haine, je serais en train de me détruire moi-même.

Devant vous, c’est un homme libre qui vous parle. Libre dans le sens que ma conscience ne me reproche absolument rien. Donc ce que je veux c’est d’apporter ma petite voix, pour que les comportements changent. Vous savez au Cameroun, pendant de longues années, on a éduqué une génération, 25 ans c’est long, une génération à penser que je suis l’ennemi public N°1. Et certains m’ont demandé d’être violent envers le président Paul Biya. D’autres m’ont demandé d’être violent avec la France. Donc, j’ai tout entendu mais je garde ma dignité. Mon combat c’est la dignité humaine et la dignité humaine n’a pas de haine comme carburant, comme essence. Ce que je veux c’est que mes droits soient reconnus, de victime et que je reprenne une vie normale. Et c’est pourquoi je dois saluer devant vous ce qu’on fait les Bretons.

 

 

« Je ne travaille pas sous le sceau de la haine. J’ai tellement subi de haine et de discriminations, des violences que j’en suis venu à penser que fondamentalement, la haine n’apporte rien. »

Vous savez, ce n’est pas rien. J’ai été élevé en Bretagne pendant de nombreuses années et une famille s’est mobilisée, et cette mobilisation m’a donné la vie. Donc ce n’est pas la haine qui m’a sauvé ; ce sont les esprits simples, humbles, humains, qui m’ont aidé de sortir de prison. Donc ce que je veux, c’est être à la hauteur de la confiance qu’ils m’ont témoigné. Et ce n’est pas par la haine et je salue les maires qui travaillent en ce moment sur une pétition. Une trentaine de maires qui veulent demander à l’Etat d’appliquer  ce qui m’a été promis par les lettres du président de la République. Ça  je salue ce travail et ces accompagnements pour moi, sont une espèce de paix intérieure qui me rassure énormément.

Et bien on suivra   tous ces développements avec vous sur les antennes de France24  comme depuis le début, merci.

Je remercie France24 encore. Je salue toutes les équipes de journalistes qui ont beaucoup travaillé pour que je sois là aujourd’hui. Aussi, je vais être  à la hauteur de France24 pour dire que cette maison est importante.

 

Une synthèse de A5 NEWS

 

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