Chronique de JPBetbeze :  L’Europe va-t-elle exploser ?

 

Si on parle tant de l’Europe, c’est évidemment pour la critiquer. D’autant que début juin approche, avec ses élections au Parlement. Il y a quelques semaines encore, quand l’inflation flambait, les grands distributeurs nous expliquaient qu’ils étaient là pour « faire pression » sur les producteurs (lesquels, comment et où ?), afin que cette vague reflue. Quelque temps après, on nous parlait du prix de l’électricité qui montait, en oubliant le « bouclier tarifaire » qui avait beaucoup permis d’atténuer le phénomène, contre une hausse, devenue vite intenable, de la dette publique. Il fallait donc, par paliers, revenir aux vrais prix. Où est donc passée l’explication, derrière les cris ?

 

Avec les agriculteurs aujourd’hui, il s’agit de réduire les normes excessives et de surveiller les importations de pays moins regardants. Ceci devrait faire remonter les prix, donc enrager les distributeurs. Où sont-ils ? Ce qui doit aussi mettre les écologistes hors d’eux, au-delà d’asperger la Joconde de soupe. Où sont-ils ?

La réponse des sondages (European Council on Foreign Relations, janvier 2024) est que les partis dominants vont continuer de l’être, PPE (droite et droite modérée) et S&D (gauche et gauche modérée), mais avec moins de sièges, passant respectivement de 178 en 2019 à 173 en 2024 et de 141 à 131, sur un total de 720. Renew (Macron) devrait perdre d’influence à 86 députés contre 101, comme les Écologistes à 61 contre 71. Outre la croissance de petits partis, on devrait voir des gains à gauche (+19 sièges) et surtout pour la « droite populiste » : plus de 40 sièges, vers 100.

 

 

Bien sûr, il ne s’agit là que de sondages, au milieu d’une population traversée de mouvements contradictoires. Ce résultat s’écarte néanmoins de plus en plus des deux sensibilités historiques d’Europe, droite et centre-droit face à gauche et centre-gauche, pour aller vers une droite plus radicale, avec la question de l’immigration. En fait, derrière cette interrogation, on reconnaît le nationalisme, l’exact contraire de la construction européenne. Et ceci arrive au moment même où il s’agirait plutôt de renforcer la politique extérieure commune avec une « Europe puissance », liée à une industrie de défense commune à bâtir. Plus de fédéralisme donc, quand monte la vague inverse.

 

On retrouvera bientôt, aussi, cette opposition autour de la politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE). Comme prévu, elle n’a pas baissé ses taux le jeudi 25 janvier, fixés à 4,5%. Mais ceci n’a pas empêché les marchés financiers d’attendre une baisse prochaine, avant celle de la Banque centrale américaine (Fed), donc à l’euro de s’inscrire dans une perspective baissière. De fait, les signes d’affaiblissement de la croissance en zone euro inquiètent, avec 0% au 4ème trimestre, après -0,1% au 3éme. L’interrogation porte de plus en plus sur la « prudence » de la BCE à maintenir de tels taux, sinon sur son obstination.

 

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Or la BCE a fort à faire. Certes 2,9% d’inflation contre 3,4% aux Etats-Unis (et 2,9% hors produits alimentaires et énergie), c’est un peu plus que son mandat à 2%. Mais elle a ce seul objectif de prix contre deux, prix et emploi, pour sa concurrente américaine, qui a elle une économie bien plus gaillarde. Un seul objectif pour manœuvrer, c’est peu. A chaque réunion, Christine Lagarde, comme son prédécesseur Mario Draghi, demande ainsi d’accélérer vers une Union bancaire et vers une Union de marchés de capitaux, autrement dit vers plus de fédéralisme.

 

 

 

C’est LE problème de l’Europe et de son cœur, la zone euro : une position intermédiaire, pour des raisons liées au compromis politique de sa naissance. Elle trouve ses limites quand, comme par hasard, montent les nationalismes et que les élections s’approchent.

L’explosion de l’Europe ? C’est peut-être le rêve de Poutine, pour reprendre l’Ukraine, en attendant la Géorgie et le reste. Mais c’est sans doute trop pour Xi à Pékin, qui préfèrerait un affaiblissement, lent et irrémédiable. Les deux sont sans doute très contents d’avoir implanté, dans les débats qui se veulent « géopolitiques », l’opposition entre Occident et « Grand Sud », à ne pas confondre bien sûr entre Libéralisme et Illibéralisme. Opposition qui, traduite par leurs services, préoccupe certains Européens pensant que le danger viendrait d’Ukraine et d’Afrique, pas ici d’une trop faible productivité.

Il serait temps, avant l’élection de Trump, de cesser d’être naïf pour regarder une carte et pour se regarder.

 

Par Jean-Paul Betbeze

 

 

 

 

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