Au Burkina Faso, au cœur de la crise humanitaire à la croissance la plus rapide au monde, deux personnalités locales ont largement ouvert leur porte aux déplacés et convaincu leur communauté d’en faire autant. Elles sont co-lauréates de la distinction Nansen pour la région Afrique.

NEW YORK, USA, le 11 Octobre 2021,-/African Media Agency (AMA)/-Début 2019, deux ou trois familles arrivaient chaque semaine par la route poussiéreuse qui mène à Bollé – un quartier des faubourgs de Kaya, la capitale de la région Centre-Nord du Burkina Faso. Elles cherchaient désespérément de l’aide après avoir fui les attaques de groupes armés et des forces nationales plus au nord, près de la frontière malienne.

L’année dernière, cependant, alors que les attaques se multipliaient et que l’insécurité s’étendait, ce qui n’était au départ qu’un ruisseau est devenu un fleuve de déplacés. Ne sachant que faire des dizaines de personnes démunies qui arrivaient chaque jour, la communauté s’est tournée vers Diambendi Madiega pour obtenir des réponses.

« À cette époque, les gens ont commencé à arriver en très grand nombre et en très peu de temps », explique Madiega, dans un reportage publié par le HCR. « Si vous preniez la route du nord, vous croisiez un flot de nouveaux arrivants. A tel point qu’à un moment j’ai été submergé », confesse-t-il.

La distinction Nansen

La distinction Nansen du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) est décernée chaque année à des personnes, des groupes et des organisations en récompense de leur dévouement exceptionnel en faveur de la protection des réfugiés, des déplacés ou des apatrides.

La distinction Nansen 2021 a été décernée à une organisation yéménite, Jeel Albena Association for Humanitarian Development, qui fournit des services vitaux à des dizaines de milliers de personnes déplacées par le conflit dans ce pays.

Il y a également cinq lauréats régionaux et pour l’Afrique, les deux co-lauréats sont Roukiatou Maiga, 55 ans, originaire du Burkina Faso, récompensée pour son plaidoyer en faveur des déplacés internes et pour l’aide qu’elle leur apporte. Chef Diambendi Madiega, également originaire du Burkina Faso, est récompensé pour son plaidoyer en faveur des droits des personnes déplacées à l’intérieur du pays à cause des conflits et pour les abris qu’il leur fournit.

« Les gens ont commencé à arriver en très grand nombre et en très peu de temps »

Longtemps considéré comme un bastion de stabilité dans la région instable du Sahel en Afrique, le Burkina Faso est actuellement aux prises avec la crise humanitaire à la croissance la plus rapide au monde. En réponse aux attaques fréquentes et meurtrières contre les civils et les forces de sécurité, plus de 1,4 million de Burkinabés ont été chassés de chez eux au cours des trois dernières années, dont au moins 350.000 depuis le début de 2021.

Madiega, 67 ans, est immédiatement reconnaissable à sa haute stature, son chapeau à motifs multicolores qui marque son statut de chef et au bâton sur lequel il s’appuie pour marcher depuis un grave accident de moto. Les habitants le surnomment affectueusement « Naaba Wogbo », le Chef-Éléphant.

Avec tant de déplacés arrivant sans rien d’autre que quelques effets personnels, Madiega s’est senti obligé d’agir. Il a acheté des provisions pour lutter contre la faim et ouvert sa vaste cour à des familles entières qui y ont construit des abris temporaires pour se protéger des éléments. Très vite, lorsque la cour a été remplie, il a installé des centaines de personnes dans son champ, situé à proximité.

En quelques mois, il a accueilli et nourri quelque 2.500 personnes, mais d’autres continuaient d’arriver. N’ayant plus de terrain à offrir, Madiega a entrepris de convaincre 300 autres membres de la communauté de faire comme lui.

« J’ai demandé leur terrain pour installer quelques tentes, et ils ont accepté », explique-t-il. « Ils sont conscients que, si la situation actuelle ne se résout pas, ils pourraient eux aussi se retrouver déplacés. Il n’y a pas de différence entre nous ».

« Je veux montrer que toutes les ethnies peuvent vivre ensemble en paix »

Pendant que Madiega mobilisait les ressources de sa propre communauté, un scénario presque identique se déroulait à 170 kilomètres au nord-est, à Dori, près de la zone instable située aux confins du Burkina Faso, du Mali et du Niger. La fameuse « zone des Trois-Frontières » est le théâtre depuis quelques années d’attaques et d’intimidations de la part de groupes armés.

La population de Dori a augmenté de 20% en deux ans seulement avec l’arrivée de 35.000 déplacés. Chaque jour, des dizaines de nouveaux arrivants se pressent devant la maison de Maiga Roukiatou.

Descendante de l’une des familles royales de la région, Maiga Roukiatou, 55 ans, est née avec un esprit têtu qui l’a conduite à défier les conventions et les injonctions de sa famille pour épouser l’homme qu’elle aimait. « Mes parents voulaient que j’épouse quelqu’un de mon groupe ethnique, mais j’ai dit ‘non, c’est lui que je veux’ », explique-t-elle. « Ce n’était pas facile… Il a fallu du temps pour que mes parents acceptent ».

Cette expérience lui a appris à placer l’humain avant l’appartenance communautaire. « Je veux montrer que toutes les ethnies peuvent vivre ensemble en paix. C’est pourquoi j’ai commencé à aider les déplacés ».

Les gens se pressent dans sa cour baignée de soleil, cherchant son aide pour de la nourriture, un abri temporaire et des conseils pratiques pour s’inscrire sur les listes de bénéficiaires gérées par les Nations Unies et leurs partenaires.

Roukiatou est particulièrement attentive aux besoins des femmes et des enfants qui représentent plus de la moitié de la population déplacée du Burkina Faso. Beaucoup d’entre eux ont été témoins de violences extrêmes, comme le meurtre de membres de leur famille et de leurs voisins.

Elle a créé une coopérative agricole pour faire vivre les femmes déplacées et celles de leur communauté d’accueil, les faisant travailler côte à côte. Mais malgré ses journées surchargées, elle prend toujours le temps de s’asseoir avec les nouveaux arrivants et d’écouter leurs histoires, leur tendant la main pour les réconforter pendant qu’ils parlent.

« Beaucoup ici ont vécu des expériences très difficiles. Beaucoup ont des problèmes psychologiques », constate Roukiatou. « Pour moi, si une femme va de l’avant, alors c’est sa communauté et tout le pays qui avance avec elle ! »

Fatoumata Diallo est arrivée à Dori il y a un an. Elle est restée chez Roukiatou jusqu’à ce qu’elle reçoive son propre abri de la part du HCR. « Elle nous a accueillis, nous a écoutés, nous a aidés », a raconte-t-elle. « Maintenant, elle est comme une mère pour nous ! »Un groupe de femmes déplacées collecte de l'eau dans la ville de Djibo au Burkina Faso.UNOCHA/Naomi FrerotteUn groupe de femmes déplacées collecte de l’eau dans la ville de Djibo au Burkina Faso.

Fierté et joie

Lorsqu’il a appris qu’il allait recevoir la distinction Nansen, Madiega a exprimé sa joie personnelle, mais aussi sa profonde fierté devant la façon dont ses voisins se sont mobilisés pour aider leurs compatriotes. « Je suis très heureux de ce que cette communauté a fait. Cela montre que nous sommes tous les mêmes personnes ; nous sommes tous des Burkinabés ».

Roukiatou a décrit comment son travail avec les personnes déplacées avait donné un nouveau sens à sa vie, mais a exprimé l’espoir que son aide ne soit plus nécessaire un jour.

« J’ai vécu tellement de choses en aidant les gens et en travaillant comme humanitaire que c’est devenu ma vie, ma passion », se réjouit-elle. « Mon souhait pour les déplacés est qu’ils puissent revenir chez eux, que Dieu les ramène dans leurs villages en bonne santé, et que la paix règne au Burkina Faso ».

Distribué par African Media Agency (AMA) pour ONU Info.

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