Vincent Bolloré : La stratégie de l’entrisme au Cameroun

L’industriel breton, dixième fortune de France s’est taillé une place de choix au Cameroun dans des domaines aussi divers que la gestion de ports, les plantations d’huile de palme, les médias avec Vivendi et le groupe Canal plus.

Officiellement, Vincent Bolloré est au Cameroun depuis 1999, il va profiter des vents défavorables qui soufflent sur l’économie avec la vague des privatisations imposées par les programmes d’ajustement structurel de la Banque mondiale et du FMI dès le début des années 1990. C’est ainsi que le groupe met la main sur des infrastructures stratégiques de transports et logistiques. En 1999, il prendra possession de la Compagnie ferroviaire du Cameroun (Camrail). Mais ce sont les ports que vise Vincent Bolloré. En 2005, il réussira à prendre le contrôle du terminal à conteneur du Port Autonome de Douala. Et très vite, Vincent Bolloré rafle la gestion de plusieurs terminaux à conteneurs mis en concession en Afrique.

De Douala au Cameroun à Pointe-Noire en République Démocratique du Congo, en passant par Cotonou au Bénin, Tema au Ghana et Abidjan en Côte d’Ivoire, Vincent Bolloré ne ménage pas ses efforts, ni son énorme carnet d’adresses pour passer en force et doubler ses concurrents. C’est en négociant directement en 2004 avec Laurent Gbagbo par exemple que Vincent Bolloré obtiendra, la gestion du port d’Abidjan.

Les ministres, on les connaît tous là-bas, affirme en 2008 dans Libération, le directeur général du groupe Gilles Alix. Ce sont des amis. Alors, de temps en temps, on leur donne, quand ils ne sont plus ministres, la possibilité de devenir administrateurs d’une de nos filiales. C’est pour leur sauver la face. Et puis on sait qu’un jour ils peuvent redevenir ministres.

La recette communication

Pourtant, en 2007, l’entrepreneur voit lui échapper des mains, le port de Dakar. Pour obtenir ce énième marché de concession, Vincent Bolloré qui a le soutien de son ami Nicolas Sarkozy, par ailleurs président de la République française, mobilise Alain Madelin et François Léotard pour appuyer son dossier, et missionne Arnaud Lagardère pour contrer son principal adversaire Dubaï Ports World (DPW), leader émirati de la gestion portuaire, qui gère par ailleurs les ports d’Alger et de Djibouti. Il fait aussi consacrer une émission spéciale au président sénégalais Abdoulaye Wade sur la chaîne de télévision de son groupe, Direct 8, et une double “une” dans ses journaux gratuits Matin Plus et Direct Soir. Mais c’est finalement DPW qui remportera la concession du port de Dakar.

Lobbying dans les hautes sphères du pouvoir

Si la recette de la communication n’a pas marché au Sénégal, elle aurait fait mouche au Togo en 2010 et en Guinée en 2011. Cependant, c’est une autre stratégie de lobbying dont va se servir Vincent Bolloré pour l’obtention du terminal à conteneur de Kribi dans la région du Sud Cameroun, où sa proposition initialement n’avait pas été retenue. En faisant intervenir cette fois, le président français, François Hollande. Selon une investigation de journalistes de France2, le consortium franco-chinois  Bolloré/CMA-CGM/CHEC (BCC), attributaire en aout 2015 du contrat de concession d’attribution du terminal à containers du Port de Kribi, n’aurait pas retenu lors de l’étude des offres. L’émission complément d’enquête intitulé Bolloré, un ami qui vous veut du bien, diffusé à 21 heures le jeudi 07 avril 2016, a révélé au grand jour la stratégie lobbyiste au niveau des chefs d’Etat.

L’enquête qui accable Bolloré

Selon cette enquête, alors qu’il ne sera nullement fait mention officiellement, du projet du Port de Kribi, dans les sujets évoqués le 03 juillet 2015, lors des échanges entre les 2 chefs d’Etat, qui ont suivi la visite d’Etat du président français, François Hollande au Cameroun. Visite au cours de laquelle tout se serait joué, selon ces journalistes. Puisque deux mois après cette visite, BBC porté par Bolloré se verra attribué comme par miracle, le contrat de concession du terminal à containers de Kribi. « Il y’a des intérêts qu’on ne maitrise pas », rétorque l’une des sources contactées aux journalistes de France2 télévision. Un scénario similaire est en passe de se reproduire avec le terminal à containers de Douala. De nombreux médias y voient la main de la France, par le biais de son ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, Jean-Yves Ledrian, récemment en visite au Cameroun, dans ce apparait comme un volteface, dans le dossier d’attribution du terminal à containers du Port de Douala à un nouveau prestataire.

Un mastodonte en Afrique

En quatre décennies, Bolloré s’est taillé une place de choix dans des domaines aussi divers que la gestion de ports en Afrique, les plantations d’huile de palme, la production de batteries électriques ou les médias. Le groupe Bolloré en Afrique, c’est 25 000 collaborateurs, près de 250 agences réparties dans 46 pays et 2,5 milliards d’euros de chiffres d’affaires, soit le quart du chiffre d’affaire de l’empire (estimé à 7,4 milliards d’euros en 2016), indique le site de l’entreprise. Coté au CAC 40, la dixième fortune de France mène des activités sur le continent dans l’agro-industrie, le transport et le secteur portuaire, axe central des activités du groupe sur le continent. À travers sa marque Bolloré Logistics Africa, l’entreprise familiale créée en 1861, gère près de 17 ports en Afrique Centrale et de l’Ouest.

 

Par Thierry Eba | Afrique-54.com | Afrique

 

 

 

 

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